Nous vous avions déjà présenté dans ces lignes la conférence gesticulée (sur Vimeo: https://vimeo.com/321435929) d’Aline Fares, basée sur l’expérience et les réflexions de cette ex-banquière sur les pratiques du secteur financier depuis (et déjà avant) la crise de 2008 et l’analyse nécessaire de ces pratiques afin de pouvoir agir pour ne plus permettre de telles dérives. De l’avis de cette fine observatrice de l’intérieur, il semblerait bien que la crise de 2008 n’ait pas été suffisante… Elle réitère cette analyse aujourd’hui dans une bande dessinée qui vient de paraître aux Éditions du Seuil, intitulée «La machine à détruire. Pourquoi il faut en finir avec la finance». C’est Jérémy Van Houtte, illustrateur au service d’associations et de groupes militants, qui a mis le narratif en images. Tous deux avaient lancé un financement participatif pour leur permettre d’éditer cette BD. Elle figure désormais au catalogue d’une maison d’édition ayant pignon sur rue…
Cette diplômée de HEC Paris qui a travaillé pendant une dizaine d’années dans le secteur bancaire se consacre depuis 2011 au plaidoyer relatif aux activités financières «afin de permettre aux citoyens de se réapproprier une parole et une voix sur ces questions volontairement traitées de manière technique pour empêcher la société civile de s’en préoccuper». Un temps dans le cadre de l’ONG Finance Watch, au travers de sa conférence gesticulée, de podcasts dans lesquels elle intervient, mais aussi via sa page Facebook, elle commente la situation afin de contribuer à une reprise du pouvoir de la population sur les banques et la finance. Comme elle l’exprime dans le podcast de Maïté Warland «Femmes et argent: histoires de gros sous et de bouts de chandelles», réalisé en 2022 dans le cadre du magazine Axelle (références sur la page LinkedIn d’Aline Fares https://www.linkedin.com/in/aline-fares-652b49a2/), «on est aujourd’hui dans un contexte d’hyper-accumulation de capital. Ceux qui ont beaucoup de patrimoine, de capital en veulent toujours plus. Ce délire d’accumulation ne s’arrêtant jamais, il y a des surplus d’argent qui, après avoir rempli tous les délires de possession de biens, sont investis. Cela donne des gens qui cherchent des débouchés, et donc des actionnaires de toute une série d’activités économiques. Privatisation de l’énergie, de la téléphonie, du monde bancaire, de la mobilité, etc.: c’est une tendance qui s’est généralisée dans les années 80 et qui se poursuit et qui prive le public d’une gestion collective avec une accessibilité généralisée à toute une série de services. Et quand la logique capitaliste s’applique à ces services, il faut payer la rente aux actionnaires. C’est ça l’expansion du domaine de l’extraction capitaliste. Aujourd’hui, dans des périodes d’incertitude, cela s’accélère avec des valeurs refuges, comme la dette publique, l’immobilier, les terres agricoles… Cela se répand aussi dans le système de soins de santé ou les maisons de repos où la privatisation est déjà galopante. C’est le résultat d’attaques du capital qui cherche sans cesse de nouveaux débouchés…»
Dans ses différentes réalisations, dont cette nouvelle BD, ainsi que dans ses nouvelles luttes au sein des collectifs Action Logement Bruxelles et Front anti-expulsions, Aline Fares parle dès lors d’urgence, car l’ensemble des biens sociaux – l’eau, les forêts, le logement… – est aujourd’hui visé par cette financiarisation.
Nathalie Cobbaut
Aux Éditions du Seuil, 2024, 23 euros.