Un collectif pour un New Deal européen

Introduction

La crise des subprimes et aujourdʼhui la crise de la dette souveraine en Europe ont mené des intellectuels français à créer un collectif : le Collectif Roosevelt 2012. Non pas pour rassurer les marchés financiers, mais bien pour les dompter.

Le Collectif Roosevelt 2012 sʼest créé au début de cette année et est composé dʼune soixantaine d’économistes, de personnalités politiques et du monde associatif. À la base de lʼinitiative : Pierre Larroutouru, économiste, Stéphane Hessel, intellectuel connu pour son manifeste « Indignez-vous » et Edgar Morin, sociologue et philosophe. Ont rejoint le collectif : Michel Rocard, la Fondation Abbé Pierre, Jean Gadrey dʼAttac, Caroline Fourest, Lilian Thuram, Dominique Meda, Bruno Gaccio, Curtis Roosevelt, petit-fils de Franklin Roosevelt et bien dʼautres, comme le Belge Jean-Maurice Dehousse, ex-ministre-président de lʼExécutif régional wallon. Aujourd’hui ce sont quelque 51 000 citoyens qui se sont engagés en faveur de ce mouvement qui se veut « une insurrection des consciences qui puissent engendrer une politique à la hauteur des exigences ».

Selon ce collectif, lʼéconomie européenne ne va pas bien. Plutôt que de s’attaquer aux racines de la crise et de changer radicalement de système économique, les dirigeants politiques continuent leur fuite en avant en remplaçant la « transfusion » de dette privée par une transfusion de dette publique. De leur côté, la Chine et les États-Unis, présentés comme des moteurs de lʼéconomie mondiale, sont de véritables bombes à retardement, étant donné leur taux dʼendettement (358% du PIB pour les États-Unis, grave bulle immobilière pour la Chine). Dʼoù lʼidée de proposer, comme lʼavait fait Roosevelt en 1933, des mesures drastiques, non pas pour rassurer les marchés financiers, mais bien pour les dompter. Dʼaprès les initiateurs de ce collectif, il ne reste quʼun temps limité avant un possible effondrement du système économique et il faut donc faire du « Roosevelt » en mettant fin aux privilèges des banques privées dans le financement de la dette publique, en luttant frontalement contre la dette publique et en agissant avec force contre le chômage et la précarité pour espérer un changement de paradigme.

Trois chantiers prioritaires, quinze réformes

Pour faire bouger les lignes de façon énergique et radicale, le Collectif Roosevelt 2012 propose trois chantiers prioritaires et quinze réformes :

  • Premier chantier prioritaire : éviter lʼeffondrement. Ce premier chantier comprend neuf réformes spécifiques : redonner de l’oxygène aux États en diminuant fortement les taux dʼintérêt sur la dette des États, dégager des nouvelles marges financières en créant un impôt européen sur les bénéfices des entreprises, mettre fin au sabordage fiscal national en annulant une bonne partie des baisses d’impôts aux grandes entreprises et aux citoyens les plus riches, boycotter les paradis fiscaux, limiter au maximum les licenciements, sécuriser les précaires, interdire aux banques de spéculer avec notre argent en séparant les banques de dépôt et dʼaffaires, créer une vraie taxe sur les transactions financières et lutter contre les délocalisations en imposant des normes sociales et environnementales dans le commerce mondial.
  • Second chantier prioritaire : contre le chômage, construire une nouvelle société, en investissant dans une vraie politique du logement pour créer massivement des emplois et faire baisser les loyers, en déclarant la guerre au dérèglement climatique, en développant lʼéconomie sociale et solidaire et en négociant un autre partage du temps de travail et un autre partage des revenus.
  • Troisième chantier prioritaire : construire une Europe enfin démocratique, pour faire éclore la démocratie en modifiant radicalement les institutions en adoptant un système parlementaire et négocier un vrai Traité de lʼEurope sociale.

En référence à Roosevelt

En 1933, quand Roosevelt arrive au pouvoir, les États-Unis comptent 14 millions de chômeurs et la production industrielle a baissé de 45% en trois ans. Il fait voter en trois mois quinze réformes fondamentales, notamment en matière bancaire et fiscale, non pas pour donner du sens à l’austérité, mais pour reconstruire la justice sociale. En 1944, avant de convoquer le sommet de Bretton-Woods afin de reconstruire le système financier international, Roosevelt organise le sommet de Philadelphie qui adopte comme priorité absolue le respect d’un certain nombre de règles sociales : « Il n’y aura pas de paix durable sans justice sociale », affirmaient alors Roosevelt et les autres chefs d’État avant de définir des règles sur les salaires, le temps de travail et le partage des salaires et les dividendes. Des règles à respecter dans chaque pays comme dans le commerce mondial. Des règles que le Collectif Roosevelt 2012 entend réaffirmer, estimant que les principes appliqués par Roosevelt restent totalement modernes.

Nathalie Cobbaut

Pour en savoir plus

Voir articles : « Roosevelt, réveille-toi. Ils sont devenus fous! », par Jean Sloover, in Espace de libertés, avril 2012, n°407 ; « Nous ne voulons pas mourir dans les décombres du néolibéralisme », par Pierre Larrouturou, in Le Monde, 30/4/2012. À lire : Pierre Larrouturou, C’est plus grave que ce que ce qu’on vous dit… Mais on peut s’en sortir !, Nova Editions, mars 2012.

Site Internet : www.roosevelt2012.fr