Un créancier peut-il former un contredit de principe en refusant un projet de plan de règlement amiable prévoyant une remise de dettes alors que la loi accorde à tout créancier la possibilité de consentir à une telle remise? Le tribunal du travail francophone de Bruxelles a considéré que le créancier contredisant abusait de son droit et, à titre de réparation, a homologué le projet de plan de règlement amiable.
En l’espèce, face à l’impossibilité de proposer un remboursement aux créanciers du requérant, le médiateur de dettes avait établi un projet ne prévoyant aucun dividende à distribuer (plan dit «zéro»). Ce projet avait fait l’objet d’un contredit de la part d’un seul créancier qui semblait estimer que pareil plan amiable ne pouvait jamais être accepté. Le médiateur s’interrogeait sur le caractère abusif de ce contredit dans la mesure où, selon lui, il ne reposait sur aucune raison valable et n’avantageait nullement les créanciers. Il demandait donc au tribunal de l’écarter et d’homologuer le plan ou, à défaut, d’imposer un plan de règlement judiciaire prévoyant une remise totale de dettes (article 1675/13bis Code judiciaire).
Le tribunal rappelle que, «lorsque le préjudice causé par l’exercice du droit de former contredit est sans proportion avec l’avantage recherché ou obtenu par le titulaire de ce droit», ce dernier se rend coupable d’abus de droit et que «la sanction de l’abus de droit consiste en la réduction de celui-ci à son usage normal ou en la réparation du dommage que son abus a causé». Le tribunal analyse ensuite la position défendue par le créancier comme étant fondée sur une appréciation erronée du prescrit de l’article 1675/10 du Code judiciaire qui stipule le principe selon lequel «tout créancier, quel qu’il soit, et de quelque nature que soit sa créance, peut accorder une remise de dettes, partielle ou totale, au requérant dans la cadre de la procédure amiable». Les travaux préparatoires, rappelés par le tribunal, énoncent que «cette position de principe de former contredit empêche la conclusion de nombreux plans de règlement amiable, alors pourtant que c’est cette solution qui doit avant tout être recherchée puisque permettant de rencontrer les intérêts de toutes les parties».
Le juge estime donc que le contredit formé excède les limites de l’exercice normal de ce droit dès lors que «le préjudice causé (imposition d’un plan de règlement judiciaire avec remise totale de dettes) est sans commune mesure avec l’avantage recherché (impossibilité de mettre en œuvre un plan ‘zéro’)[1]».
Fort de ce constat, le tribunal écarte le contredit et homologue le projet de plan «zéro», non sans rappeler l’exigence de bonne foi procédurale attendue de la part du requérant. À ce titre, il impose au requérant:
« – d’accomplir les démarches utiles afin de maintenir – et, si possible, améliorer – sa situation professionnelle;
– le cas échéant, d’introduire une demande pour faire valoir son droit aux prestations dont il pourrait bénéficier en vertu de la législation sociale belge ou étrangère;
– à première demande, de remettre au médiateur un compte rendu périodique des initiatives ainsi menées et du résultat de ses actions».
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[1] Il existe effectivement une différence entre les deux situations qui se manifeste notamment lorsque la remise totale est assortie de mesures d’accompagnement : la durée maximale d’un plan de règlement amiable est de sept ans alors qu’elle est limitée à cinq ans s’il s’agit d’un plan de règlement judiciaire.