Avec l’adoption de nouvelles dispositions relatives aux baux à loyer, suite à la régionalisation de cette compétence, il semblait intéressant de faire le point sur cette matière locative, mais aussi d’essayer de mieux appréhender les difficultés que rencontrent les personnes surendettées à se loger en tant que locataires. Entre difficultés de payer un loyer sur le marché locatif privé et celui d’accéder à un bien considéré comme salubre, les personnes en difficulté financière ne sont pas toujours bien loties.
Il ressort du dernier rapport d’évaluation de l’Observatoire du crédit et de l’endettement (OCE) en date de 2016, «Prévention et traitement du surendettement en Région wallonne», que les ménages consultant un service de médiation de dettes sont en très faible proportion propriétaires de leur logement (12,7% seulement), alors que la proportion de propriétaires parmi la population de la Région wallonne est de 66%[1]. Il n’y a pas de statistiques équivalentes sur le pourcentage de propriétaires ou de locataires parmi les personnes prises en charge par un service de médiation bruxellois, mais vu le pourcentage de propriétaires dans cette Région, bien moindre que dans le reste du pays (39%), leur proportion parmi les personnes surendettées est sans doute moins élevée. Encore que… Il se peut que les efforts consentis pour acheter un immeuble à Bruxelles puissent sans doute être une très sérieuse cause de surendettement. Cela étant, les prix de l’immobilier étant tels dans la capitale, on imagine mal des personnes en situation de fragilité sociale parvenir à consentir un tel effort financier. De manière générale, sur l’ensemble de la population, le taux de logements loués est de 61,3% en Région bruxelloise (avec néanmoins de grandes disparités entre communes pauvres et riches). Ce taux est certainement bien plus élevé encore parmi les personnes surendettées.
Le taux de pauvreté selon le statut du logement
Et pourtant, l’accès à la propriété s’accompagne d’un risque réduit de pauvreté. Le statut de locataire entraîne exactement la situation inverse. En effet, lorsque l’on croise ces données avec celles de l’Iweps relatives au taux de pauvreté selon le statut du logement (calculées selon SILC 2017 – revenus 2016), il ressort des calculs de cet institut que quelque 43% des locataires au prix du marché ont un revenu net équivalent inférieur au seuil de pauvreté (inférieur à 60% du revenu net médian), contre environ 15% de risque de pauvreté monétaire chez les propriétaires wallons. Les données pour Bruxelles sont encore un peu plus accentuées: ce taux de pauvreté grimpe encore de quelques pour cent pour les locataires au prix du marché (45%), contre 18% de risque de pauvreté chez les propriétaires bruxellois.
En Wallonie et à Bruxelles, les différences de risque de pauvreté monétaire entre les locataires et les propriétaires sont donc très importantes: de trois à quatre fois plus élevées pour les locataires que pour les propriétaires. Paradoxalement, ces pourcentages grimpent encore tant en Wallonie qu’à Bruxelles pour les locataires à loyer réduit, et ce malgré la part moins importante du poste «logement» dans le budget. Quand on fait le lien entre la qualité de l’habitat et le statut des occupants, là aussi, les locataires les plus fragiles sont perdants, les bâtiments généralement destinés à la location présentant plus de handicaps, tels que de l’humidité, une mauvaise isolation acoustique ou encore des problèmes de dangerosité dans les installations électriques, mais moyennant un loyer plus accessible[2]. Le rapport d’évaluation de l’OCE mentionne également le fait qu’il n’est pas garanti que les 12,7% de personnes surendettées propriétaires bénéficient d’un logement de meilleure qualité, vu l’absence de moyens alors que l’entretien d’un logement est coûteux.
L’accès au logement public très limité
Toujours selon le rapport d’évaluation de l’OCE, les surendettés wallons sont donc en très grande majorité locataires: pour 64,8%, sur le marché locatif privé et selon une proportion de 16,7% auprès des sociétés publiques de logement social ou à loyer modéré. Pas de chiffres similaires pour les personnes surendettées prises en charge par des SMD bruxellois: on le rappelle, les statistiques manquent en effet cruellement pour la capitale à ce sujet.
Ces chiffres wallons sont à rapprocher des chiffres globaux sur le pourcentage de logements sociaux par rapport au marché total du logement, qui est très faible en Belgique (par rapport à des pays comme les Pays-Bas, avec 34% de logements sociaux ou le Danemark avec 22%).
Chez nous ces chiffres plafonnent à 6,5% pour l’ensemble du pays, 5,3% en Wallonie (soit 101.589 logements sociaux loués), 7% en Région de Bruxelles-Capitale[3](soit 142.981 logements sociaux). Les chiffres de ménages sur liste d’attente en Wallonie et à Bruxelles tournent autour des 40.000 entités.
Si l’on croise ces pourcentages avec ceux de l’OCE sur le pourcentage de locataires sociaux dans les dossiers de surendettement, on peut en conclure, comme déjà relevé dans l’étude de l’Iweps citée dans le paragraphe précédent, que le taux de risque de pauvreté et, partant, de surendettement est significativement plus important chez les locataires de logement public, vu leur surreprésentation dans les chiffres du rapport d’évaluation.
Hébergés chez un tiers
Autre chiffre plus interpellant encore, mais qui devrait être creusé et corroboré par d’autres études (les réponses des SMD au questionnaire de l’OCE sur ces questions de logement n’étant pas toujours des plus complètes): la proportion non négligeable de personnes en médiation de dettes hébergées par des tiers (amis, famille, parents), soit 4,8% de la proportion des ménages consultant un SMD wallon. Selon le rapport, il s’agirait d’une solution à plus ou moins long terme pour tenter de réduire les frais du ménage en matière de logement. Selon Caroline Jeanmart, sociologue et directrice adjointe de l’OCE, «une telle évolution de la configuration familiale vers des ménages qui abritent grands-parents, enfants majeurs et petits-enfants, ressort depuis plusieurs années et représente un indice de difficulté financière à se loger pour les personnes surendettées».
Une situation qui, on le verra dans la suite du dossier, peut avoir des répercussions, notamment sur le montant des allocations de remplacement (voir pages 17-18) et sur les risques de saisie des biens de l’hébergeant (voir pages 19-20-21).
Nathalie Cobbaut
[1]Selon l’étude Census 2011 et celle du Centre d’études en habitat durable réalisée en 2014: S. Cassilde, Enquêtes sur l’habitat – Évolution des indices de salubrité et de qualité entre 2006 et 2012, Centre d’habitat durable, Cahiers d’études et de recherches/2014-2, Charleroi.
[2]S. Cassilde, op. cit., 2014.
[3]«Chiffres-clés du logement public en Wallonie – 2016», rapport du Centre d’études en habitat durable, Charleroi, p. 25.
Cohabitation : comment éviter la confusion de patrimoine ?
Dans ce dossier, nous avons abordé la question du logement. Il ressort de plusieurs études que les personnes en difficulté de paiement sont hébergées par leur famille ou cohabitent, ce qui permet de réduire les frais (voir pages 11-12). Outre que de telles cohabitations peuvent avoir des conséquences sur le montant des allocations sociales, ces situations peuvent également entraîner des difficultés liées à la confusion – réelle ou apparente – de patrimoine, et dès lors des risques de saisie. Comment réagir face à une telle éventualité? Quels sont les moyens pour contrecarrer les démarches entreprises par un huissier? Le cas d’un fils et d’une mère vivant sous le même toit (Jean et Eva) et celui d’un couple qui emménage ensemble (le même Jean et Marie) sont abordés dans cet article.
Jean, 21 ans, vit chez sa maman, Eva, et a fini récemment une formation d’électricien. Eva s’est plainte récemment qu’un huissier avait saisi les meubles garnissant sa maison pour une dette de téléphonie dont Jean est le seul débiteur. Que peut-elle faire?
Jean et Eva vivent en cohabitation de fait. Le principe de la séparation des patrimoines leur est applicable. Au niveau des dettes, chaque cohabitant reste tenu des dettes qu’il a personnellement contractées sur son seul patrimoine[1]et n’est pas tenu des dettes contractées par l’autre. Au niveau des biens, chacun des cohabitants reste propriétaire des biens qui lui appartenaient avant la cohabitation et qu’il acquiert seul au cours de celle-ci. Les cohabitants peuvent également acquérir des biens ensemble et, dans ce cas, chaque cohabitant aura un droit de copropriété sur ce bien dit «indivis».
Ici, seul Jean est débiteur. De ce fait, le créancier ne peut pas saisir les biens appartenant exclusivement à Eva. Cependant, Jean a acheté des biens avec son argent et a installé ceux-ci dans la maison de sa maman. Ils ont donc, par leur vie commune, créé une confusion entre leurs biens mobiliers, qui ne peut porter préjudice à leurs créanciers[2].
Jean et Eva sont tous deux domiciliés dans le même logement. De ce fait, un huissier peut considérer que Jean possède tous les biens trouvés à son domicile (repris au registre national) et présumer qu’il en est le seul propriétaire (article 2279 du Code civil). L’huissier pourra alors saisir les meubles dans le logement, et ce, peu importe que Jean y habite seul ou non[3].
Que peut faire Eva pour éviter la vente forcée si elle est propriétaire des biens saisis?
Eva doit démontrer qu’elle est la seule propriétaire des biens saisis dont elle a la propriété exclusive. Elle prouvera sa propriété avec des écrits, tels que des factures établies à son nom et ses extraits de compte. Étant donné qu’Eva n’a très certainement pas conservé les factures d’achat, la preuve de son droit de propriété peut également résulter d’autres éléments, tels que la provenance familiale du bien, son caractère personnel, l’importance des revenus et de la fortune personnelle de chaque cohabitant ou encore le financement au moyen de fonds personnels[4]. Elle pourra présenter des photos où Jean apparaît enfant à côté des biens saisis démontrant qu’il n’a pas pu les acquérir. Elle pourra aussi préciser que Jean n’a gagné que trop peu d’argent jusqu’à ce jour pour meubler un logement.
En outre, Eva pourra s’appuyer sur une jurisprudence qui met en évidence une présomption de propriété dans le chef des parents lorsque le saisi n’a jamais quitté le domicile parental. Il a ainsi été jugé que «lorsque le débiteur est le fils du revendiquant [ici le père]avec qui il a vécu depuis sa naissance et qu’il n’a jamais eu la moindre raison d’acheter du mobilier puisqu’il vivait dans celui que son père possédait probablement avant que le débiteur ne devienne majeur, il y a lieu de faire droit à la demande en revendication du père concernant les biens saisis (salle à manger, salon, téléviseur, etc.) relevant de ceux que l’on trouve dans tout ménage moyen sans aucun double emploi qui permettrait de penser que le débiteur aurait eu des objets lui appartenant»[5].
L’huissier peut-il accepter les preuves et suspendre la vente?
Lors de la saisie, ni Jean ni Eva n’ont fait part à l’huissier que les biens saisis sont la propriété d’Eva. Cette dernière pourra néanmoins encore contacter l’huissier ayant pratiqué la saisie en faisant valoir les arguments exposés.
En principe, l’huissier à qui sont présentés des documents visant à distraire des biens à la saisie n’est pas compétent pour en apprécier la pertinence, sauf preuve immédiate et évidente du bien-fondé de la revendication[6]. En cas de doute ou de nécessité de procéder à certaines recherches ou vérifications, il n’aura pas à tenir compte de la revendication.
Il semble que, dans notre cas, la preuve de la propriété d’Eva est évidente et immédiate. Toutefois, il a déjà été jugé que «l’huissier de justice saisit tous les meubles qui se trouvent dans l’immeuble dans lequel sont installés les parents du débiteur alors qu’il est informé que ces meubles appartiennent aux parents. Il leur appartient dans ce cas d’utiliser le droit de recours devant le juge des saisies»[7].
Eva réservera au créancier saisissant une copie de la demande formulée à l’huissier afin qu’il soit au courant et, au besoin, pour qu’il invite l’huissier à ne pas procéder à la vente des biens saisis lui appartenant.
Que faire si l’huissier refuse les preuves ou n’indique pas clairement qu’il donne mainlevée de la saisie pour ce qui concerne les biens de la maman?
Eva n’aura d’autre choix que d’introduire une action en revendication, qui pourra être onéreuse, devant le juge des saisies (art. 1514 Code judiciaire). La vente des objets revendiqués sera alors suspendue.
Le juge sera souverain dans l’appréciation des preuves qui lui seront fournies, quelles que soient leurs formes et leurs dates[8]. Ainsi, même les actes authentiques (exemple: inventaire dressé par acte notarié ou par constat d’huissier) ont une force probante relative. Il analysera si, au moment de la saisie (et à ce moment-là seulement), les biens revendiqués étaient la propriété de Jean.
Le juge appréciera les preuves, «en fonction de l’ensemble des circonstances de la cause (possibilités financières du revendicant, bonne foi apparente ou indices d’organisation d’insolvabilité, époque de l’acquisition, etc.)»[9]. À ce sujet, l’existence de liens familiaux n’est pas en soi un indice de collusion (entente pour léser les créanciers de Jean); d’ailleurs, l’idée d’une certaine solidarité familiale est admise par la jurisprudence.
Au vu des éléments de preuve d’Eva, le juge fera vraisemblablement droit à sa demande.
De plus, l’huissier de justice finit souvent la liste des biens saisis par la mention «et bibelots divers». Or, ces «bibelots» n’étant pas suffisamment décrits par l’huissier (art. 1506 C. jud.), la saisie doit être levée en ce qu’elle porte sur de tels biens.
Le juge estime que la propriété exclusive dans le chef d’Eva n’est pas démontrée. Que faire?
La possession du bien saisi présumant la propriété (art. 2279, C. civ.) peut également être invoquée dans le chef d’Eva. Ainsi, en étant domiciliés dans le même logement que son fils, elle et Jean sont, sauf preuve contraire, copossesseurs des biens meublant le logement et donc présumés en être copropriétaires.
Or, même si un huissier peut saisir de tels biens indivis, il ne peut faire procéder à la vente avant leur partage. Le juge rappellera ce principe dans son jugement en ne prononçant pas la mainlevée de la saisie concernant les biens indivis mais en précisant que les effets de la saisie ne seront maintenus que sur les objets qui, après partage, se retrouvent dans le lot du débiteur. Par ailleurs, il est admis que les biens indivis non facilement partageables (en raison de leur nature ou de leur valeur relativement faible par rapport au coût et à la lourdeur de la procédure en partage) peuvent être vendus sans partage préalable[10], la part d’Eva se portant sur la moitié de leur prix de vente forcée.
Quel est le risque d’introduire une action en revendication?
Si la revendication est déclarée non fondée, les frais de la procédure en revendication seront mis à charge d’Eva qui aura déjà avancé les frais de citation. De plus, le juge pourra, à la demande du créancier, la condamner à des dommages et intérêts ainsi qu’au paiement d’une amende civile (art. 780bis,C. jud.), au motif que la revendication est téméraire et vexatoire (par exemple, parce qu’elle n’a pour but que d’entraver la vente publique).
Si la revendication est fondée, les frais de la procédure seront à charge de Jean et/ou, en cas de faute de sa part, du créancier, voire de l’huissier.
Conseils pour éviter une action en revendication onéreuse
Eva peut s’assurer que Jean paie immédiatement la dette ou respecte jusqu’à son terme un plan de remboursement proposé et accepté. Libre à Eva de payer la dette de son fils, surtout si les biens ont une valeur sentimentale. C’est d’ailleurs une solution pour éviter une revendication qui aboutirait à considérer les biens comme indivis, Eva ne récupérant au mieux que la moitié des biens ou de leur valeur. Toutefois, un jugement déclarant la revendication fondée d’Eva peut être utile dans l’hypothèse où un autre créancier se présenterait par la suite.
En cas de doute ou par facilité, qui plus est si les biens sont d’une faible valeur, Eva pourra proposer d’acheter les biens saisis conformément à l’article 1526bis du Code judiciaire qui vaudra comme preuve de sa propriété pour l’avenir.
Jean a rencontré Marie, il y a quelques mois et ils ont décidé d’emménager dans un nouveau logement. Un huissier y a saisi tous les biens saisissables pour une dette dont Jean est seul débiteur. Marie veut sauver ses meubles, notamment le magnifique vaisselier hérité de sa grand-mère ainsi que la table de salon qu’elle vient d’acheter.
Marie et Jean sont également cohabitants de fait et c’est Jean qui, cette fois encore, est en défaut de paiement. Marie devra suivre le même processus que celui effectué par Eva. Elle revendiquera la propriété exclusive des biens qu’elle a apportés et ceux achetés seule depuis l’emménagement, ainsi que la copropriété des biens achetés avec Jean.
Toutefois, la confusion du patrimoine de chacun est importante, étant donné qu’ils ont emménagé à la même date dans le domicile. Il faudra suffisamment de preuves afin de contrecarrer l’indivision de fait créée par la confusion des patrimoines qui se renforce d’ailleurs au fur et à mesure de la vie commune.
En outre, si Jean et Marie ont établi un document, même notarié, mentionnant que seule Marie est propriétaire des biens meublant le logement, ce document n’aura pas de valeur probante particulière à l’égard des créanciers de Jean.
Marie pourra apporter un acte prouvant l’héritage du vaisselier qui y sera décrit suffisamment ainsi que des photos de famille sur lesquelles il apparaît.
Le juge analysera avec davantage de circonspection les preuves de la propriété exclusive de Marie pour les biens achetés par elle seule. En cas de collusion, l’exécution sur les biens saisis appartenant à Marie pourra être poursuivie.
Dès lors, la production de factures établies au nom de Marie ne suffira probablement pas à rapporter la preuve de sa propriété exclusive sur les biens saisis, notamment la table de salon, si elle ne prouve pas qu’elle les a achetés avec son propre argent et qu’elle bénéficiait de suffisamment de revenus pour l’achat (cela permet de prouver que l’achat ne s’est pas fait avec l’argent de Jean tout en faisant établir une facture au nom de Marie).
Il est à noter que l’achat effectué en une période non suspecte (avant l’emménagement ou avant le jugement ou un autre titre exécutoire établi à l’encontre de Jean) convaincra davantage les juges.
S’il n’y a pas de collusion et si Marie n’arrive pas à prouver sa propriété exclusive, elle pourra faire valoir sa copropriété présumée de sa copossession, comme nous l’avons vu précédemment.
La situation aurait-elle été différente si Jean était venu s’installer chez Marie?
Marie prouvera que Jean est venu s’installer chez elle (ex.: avec les extraits du registre national de chacun) et qu’elle a donc dû meubler seule les lieux. De plus, aucun mobilier ne trouve son double dans le logement.
Marie pourra également demander à Jean de lui fournir l’ancien procès-verbal de saisie du temps où il vivait chez sa maman et prouver, par exemple, que Jean ne dispose pas de revenu suffisant pour se remeubler.
Elle peut également, si c’est le cas, faire état qu’elle n’héberge Jean que depuis quelques mois, leur relation n’étant pas encore durable.
Il aurait fallu que Marie se constitue des preuves de sa propriété avant que Jean n’entre dans son logement. Elle aurait dû notamment dresser un inventaire qu’elle aurait fait enregistrer et, mieux encore, surtout si les biens sont d’une valeur importante, elle aurait dû faire établir cet inventaire par un notaire ou par constat d’huissier. L’authenticité d’un tel acte ne portera pas sur la propriété des biens mais sur la date de l’inventaire qui prouvera que le notaire ou l’huissier s’est rendu à l’adresse avant la domiciliation de Jean et a constaté la présence des meubles. L’acte notarié ou le constat d’huissier ne vaudra que jusqu’à preuve du contraire, notamment la preuve de la résidence effective de Jean dans l’appartement de Marie avant sa domiciliation.
Si Marie et Jean se séparent?
À défaut d’une action en revendication déclarée fondée ou d’une mainlevée volontaire du créancier, les biens saisis avant la séparation resteront saisis, peu importe qui les conservera.
Si Jean ne fait pas officiellement un changement d’adresse, l’huissier pourra venir charger les biens saisis chez Marie afin de les vendre de manière forcée sans autorisation préalable du juge des saisies. Dans ce cas, nous conseillons à Marie de faire le nécessaire afin de déclarer à l’administration communale le départ de Jean et de précipiter une éventuelle radiation d’office des registres de la population.
Arnaud Galloy et Pablo Salazar,
juristes au GILS
[1]Art. 7 et 8 de la Loi hypothécaire; nous faisons ici exclusion des mécanismes de garantie par lesquels une autre personne engage tout ou partie de son patrimoine afin de garantir le paiement.
[2]Cass. (1rech.), 10 juin 1976, Pas., 1976, 1, p. 1101.
[3]Bruxelles (1rech.), 8 juin 2010,T. Not. 2010, liv. 10, p. 539; réponse du 20 fév. 1995 donnée à la question n°0571 de J. Gabriëls du 10 fév. 1994, Ch., n°141, p. 15013.
[4]E. Grosjean, «La composition des patrimoines des cohabitants», in La séparation du couple non marié,Larcier, 2016, p. 92, n°24.
[5]Civ. Liège (ch. s.), 18 nov. 1998, cité dans E. Rixhon, La jurisprudence du Code judiciaire commentée, La Charte, 2009, p. 483.
[6]Cour d’appel de Liège (7ech.), 7 fév. 2008,JLMB, 2008/29, p. 1275-1278.
[7]Gand, 7 janv. 1971, cité dans P. Gielen, La saisie mobilière, Larcier, 2011, p. 185, n°296.
[8]C. Van Severen, 26 mars 2014, «Bewijs van eigendom bij revendicatie», NjW, n°299, p. 278; cour d’appel de Liège (7ech.), 20 oct. 2016, JLMB, 2017/18, p. 841.
[9]P. Gielen,op. cit., p. 207-208.
[10]E. Rixhon,op. cit., p. 468 et 474-475; P. Gielen,op. cit., p. 209, n°375.