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Le père de Catherine vient de décéder. Criblé de dettes, il était en règlement collectif de dettes (RCD) depuis 2011. Catherine ne sait pas trop ce qu’elle doit faire. Doit-elle prendre contact avec le médiateur de dettes de son père ? Doit-elle accepter la succession ? Bénéficie-t-elle des remises de dettes accordées par les créanciers à son père ?
La procédure du RCD s’étale souvent sur une bien longue période. Bien sûr, la loi a fixé des délais stricts. La phase préparatoire est limitée à six mois avec une seule possibilité de prolongation pour la même période (art. 1675/11 du Code judiciaire). Un plan amiable ne peut pas se prolonger au-delà de sept ans (1675/10 C.J.), sauf si le débiteur en fait la demande afin de garder, par exemple, son habitation. Un plan de règlement judiciaire court sur une durée maximale de cinq ans (1675/12 §2, 1675/13 §2, 1675/13bis §3 C.J.).
Mais au-delà de ces délais, la procédure traîne parfois entre la requête et l’admissibilité, les changements de situation des débiteurs (divorce, perte d’emploi, naissance, etc.), l’homologation du plan, les suspensions d’exécution du plan, etc. Bref, un tas de circonstances peuvent venir perturber et allonger la procédure au-delà de ce qui est prévu par le Code judiciaire. Le décès peut être l’une de ces circonstances. Alors, mieux vaut savoir ce que devient la procédure en RCD lorsqu’un débiteur, un créancier ou un médiateur passe l’arme à gauche. Tout comme la manière de réagir si le débiteur hérite en cours de règlement collectif de dettes.
Décès du médiateur
Le Code judiciaire prévoit la possibilité de remplacer le médiateur de dettes en cas d’empêchement de celui-ci (1675/17 §4 C.J.). Le décès du médiateur est bien évidemment un cas d’empêchement d’exercer sa mission1. Il revient alors au juge, soit d’office, soit à la demande du débiteur ou d’un créancier, de remplacer le médiateur décédé. Bien évidemment, le juge est dans l’impossibilité, dans ce cas, de convoquer le médiateur décédé en chambre du conseil.
Si la médiation de dettes est confiée à un service agréé par la Région wallonne ou la Région de Bruxelles-Capitale, le décès du travailleur social en charge du dossier n’implique pas automatiquement l’impossibilité pour le service de poursuivre sa mission. En effet, d’autres collègues du service de médiation peuvent reprendre le dossier.
Décès d’un créancier
La créance dont la déclaration est rentrée dans les délais (1675/9 §2 C.J.) auprès du médiateur de dettes ne disparaît pas à la suite du décès du créancier. Les héritiers vont se substituer au défunt dans le cadre de la procédure en RCD. Il appartient alors au médiateur de dettes de retrouver la trace des héritiers ou de solliciter la désignation d’un curateur à succession vacante2.
En français, SVP !
En l’absence d’héritier, soit qu’ils ont tous renoncé, soit qu’il n’existe pas d’héritier connu, on parle de « succession vacante ». Dans ce cas, tout intéressé ou le procureur du Roi peut faire désigner un curateur à succession vacante qui administrera et liquidera la succession. Il importe en effet que les biens ne soient pas laissés à l’abandon et que les créanciers éventuels soient payés.
Décès du débiteur
Le médiateur de dettes doit informer le juge du décès du débiteur en déposant une requête et en joignant un certificat de décès. Si le débiteur décède juste après le dépôt de la requête en RCD, le juge ne peut pas prononcer d’ordonnance d’admissibilité en sa faveur. Il doit rejeter la requête. Les héritiers ne peuvent pas poursuivre la procédure pour le compte du défunt3. En effet, le RCD est trop intimement liée à la personne du débiteur pour en permettre la poursuite par les héritiers4.
S’il y a plusieurs débiteurs dans la même requête, le juge doit déclarer la procédure sans objet pour le défunt. Par contre, il peut prononcer l’admissibilité pour le second débiteur s’il répond à l’ensemble des conditions d’admissibilité5. Lorsque le décès intervient après l’ordonnance d’admissibilité, la procédure prend fin automatiquement6. Cet événement ne constitue pas un fait nouveau (1675/14 §2, al.3 C.J.), mais indique que le règlement, qui vise à assainir la situation financière d’une personne dans le respect de sa dignité humaine, a perdu toute sa raison d’être. Peu importe que le décès intervienne avant ou après l’homologation du plan de règlement des dettes.
Remise de dettes et répartition des fonds
Les remises de dettes consenties par les créanciers du défunt dans le cadre d’un plan amiable ou imposées à ces créanciers par un plan judiciaire cessent de produire leurs effets. Ces remises de dettes ne profitent pas aux héritiers du défunt puisque la procédure n’est pas arrivée à son terme normal. Seule exception à ce principe : la remise totale de dettes qui est acquise dès le prononcé du jugement (1675/13 bis C.J.).
Le médiateur de dettes, en même temps qu’il informe le juge du décès du débiteur, doit lui demander de statuer sur le sort à réserver à l’argent accumulé sur le compte de la médiation.
Rien n’est prévu dans la loi et les juges appliquent des solutions bien différentes. Quelques-uns demandent au médiateur de verser les fonds à la Caisse des dépôts et consignations7. Certains autres préconisent de remettre l’argent à un curateur à succession vacante dont le médiateur de dettes peut lui-même demander la désignation8. D’autres enfin demandent au médiateur de répartir les fonds aux différents créanciers selon un plan de répartition qu’il doit lui-même rédiger. Cette répartition se fait proportionnellement entre les créanciers ayant introduit une déclaration de créance ou conformément au plan qui avait été homologué9.
Les honoraires du médiateur doivent être payés en priorité et par préférence (articles 19, 1°, 21 et 25 de la loi hypothécaire). Ce sont des frais de justice qui bénéficient d’un super privilège et passent avant même le paiement des frais funéraires (art. 19, 2° de la loi hypothécaire).
Débiteur qui hérite
Un autre cas de figure peut se présenter également en cours de procédure : le débiteur hérite d’un parent. Il doit immédiatement en avertir son médiateur de dettes puisque cet héritage va inévitablement modifier sa situation patrimoniale (1675/14 §1 C.J.). Dans la mesure où accepter comme refuser une succession peut être considéré comme un acte étranger à la gestion du patrimoine, le juge devrait même donner son autorisation au débiteur (1675/7 §3 C.J.).
Le débiteur qui refuse un héritage avantageux peut voir sa décision d’admissibilité ou son plan amiable ou judiciaire, révoqué. Il peut en effet lui être reproché d’avoir organisé son insolvabilité (1675/15 §1 C.J.). L’organisation d’insolvabilité peut être déduite de toute circonstance de nature à révéler la volonté du débiteur de se rendre insolvable. C’est en fait l’intention du débiteur et non la simple constatation de certains actes considérés isolément qui est déterminante.
Si le solde de la masse successorale est positif, on peut alors parler de retour à meilleure fortune du débiteur. Le retour à meilleure fortune doit se produire avant la fin du plan. Il suppose une modification fondamentale de la situation du débiteur lui permettant de remplir ainsi très rapidement toutes ses obligations. Le retour à meilleure fortune à la suite d’un héritage entraîne la suppression du bénéfice de la remise de dettes. Il ne met pas un terme à la procédure. Toutes les conséquences de la décision d’admissibilité continuent à produire leurs effets jusqu’au terme de la procédure.
Au terme du plan, le médiateur verse au débiteur le solde des sommes qu’il a perçues dans le cadre de cette succession après avoir retenu ses frais et honoraires.
En français, SVP !
La masse successorale ou masse héréditaire est l’ensemble des éléments de la succession à partager entre les héritiers. C’est ce que laisse le défunt aussi bien comme actif (meubles, immeubles, etc.) que comme passif (dettes fiscales, frais funéraires, etc.).
Part de la succession
Dans les cas les plus fréquents, le débiteur hérite à la suite du décès d’un parent de la nue-propriété d’un immeuble qu’il doit encore souvent partager avec un frère ou une sœur. Il est dès lors bien difficile de valoriser sa part dans la succession aux yeux de ses créanciers. La vente de ces droits est difficile. En effet, quel amateur souhaite s’enfermer dans une indivision à l’égard d’un bien qui ne peut pas être occupé par quelqu’un d’autre que l’usufruitier ? Excepté un frère ou une sœur rachetant la part du débiteur, peu d’acheteurs potentiels risquent d’être intéressés. Dans tous les cas, un notaire va être désigné par le juge pour évaluer la part du débiteur. L’obligation de vendre cette part n’a pas un caractère absolu. Elle doit être écartée si les biens du débiteur n’ont qu’une valeur dérisoire. Par contre, la liquidation qui présente un véritable intérêt pour les créanciers peut être réalisée.
Et pour Catherine ?
Le RCD s’est automatiquement clôturé par le décès du père de Catherine. La mission du médiateur de dettes est terminée. Malheureusement pour Catherine, elle ne va pas pouvoir bénéficier des remises de dette obtenues dans le cadre du RCD par le médiateur de son père.
Étant donné la situation, deux options raisonnables s’offrent à Catherine :
- – accepter la succession sous bénéfice d’inventaire (articles 784 à 792 du Code civil). Elle doit pour cela faire une déclaration au greffe du tribunal de première instance du lieu où son père était domicilié. Après publication au Moniteur belge, le notaire désigné par le juge va dresser un inventaire de ce qui se trouve dans la masse successorale. Catherine n’est alors tenue de payer les dettes de son père qu’à concurrence de l’actif qu’elle recueille.
- renoncer (art. 774 et 793 à 810 C.C.) à la succession en se rendant avec une copie de l’acte de décès au greffe du tribunal de première instance du lieu où son père était domicilié pour y signer un acte de renonciation.
Catherine doit faire très attention aux actes qu’elle pose. En effet, un créancier peut toujours déduire du comportement de l’héritier qu’il a accepté la succession sans qu’il en ait manifesté expressément sa volonté. Catherine a par exemple intérêt à éviter de conclure un bail de longue durée pour un bien faisant partie de la succession, de payer des dettes non urgentes de la succession, d’autoriser un des héritiers à prendre un objet de la mortuaire ou de s’installer dans l’immeuble du défunt.
Olivier Beaujean, juriste à l’asbl Droits Quotidiens
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