Jacques a appris le décès de son papa. Cette annonce, bien que douloureuse, soulève immédiatement des questions essentielles concernant son statut d’héritier et les démarches qu’il va devoir accomplir: Qui se charge de l’enterrement? Qui contacte la ou les banques? Quelle est la composition de la succession? Qu’en est-il des droits de succession à payer? Il est clair en tout cas qu’un héritage peut avoir des conséquences directes sur la situation patrimoniale d’un héritier, d’autant plus si ce dernier est en RCD.
Confronté au décès de son père, Jacques, peiné et perdu, choisit de se rendre chez un notaire qui lui expose les différentes possibilités qui s’offrent à lui. On parle alors d’option successorale.
Jacques peut:
- accepter la succession;
- accepter la succession sous bénéfice d’inventaire;
- renoncer à la succession.
Le notaire vérifie également au Registre central des testaments si le papa de Jacques a laissé des dispositions de dernières volontés. Ce n’est pas le cas. La succession sera donc dévolue selon la loi[1]. Il demande à Jacques s’il a connaissance d’autres potentiels ayants droit. En l’espèce, Jacques est l’unique héritier.
- L’acceptation d’une succession pure et simple[2]
Dès qu’un héritier accepte la succession (expressément ou tacitement), il ne peut plus ni renoncer ni accepter sous bénéfice d’inventaire. L’acceptation tacite résulte du comportement de l’héritier, tel que vendre un bien appartenant à la succession, s’approprier des objets du défunt ou payer les dettes de ce dernier.
Le notaire explique à Jacques qu’il doit être particulièrement attentif dans la mesure où cette acceptation entraîne une confusion entre le patrimoine du défunt et celui de l’héritier: les biens du défunt deviennent la propriété de l’héritier, mais les dettes le deviennent également.
- L’acceptation sous bénéfice d’inventaire[3]
Pour accepter sous bénéfice d’inventaire, l’héritier doit faire une déclaration devant un notaire de son choix. Cette déclaration sera publiée au Moniteur belge, invitant les créanciers du défunt à faire valoir leurs droits. L’inventaire de la succession devra être dressé par acte notarié. Le notaire y reprendra tout l’actif de la succession et toutes les dettes qui lui auront été communiquées par les héritiers eux-mêmes ou par les créanciers.
L’héritier n’est tenu des dettes qu’à concurrence de l’actif qu’il recueille, ses biens propres ne seront pas inquiétés par les créanciers du défunt.
Le notaire insiste bien auprès de Jacques sur le fait que les patrimoines restent bien séparés, à la différence d’une acceptation pure et simple. C’est donc une option qui permet à Jacques de protéger son patrimoine personnel.
Il lui signale également que les frais liés à cette procédure (acte d’acceptation, procès-verbal d’inventaire, etc.) sont à la charge de l’héritier, même s’ils dépassent la part de la succession qu’il reçoit.
- La renonciation à la succession[4]
La renonciation doit se faire devant un notaire. Elle est gratuite si l’actif net de la succession n’excède pas 6.093,20 € (montant indexé chaque année). Toutefois, cette gratuité ne couvre pas toutes les démarches supplémentaires du notaire qui pourraient être nécessaires telles que, par exemple, établir un relevé de l’actif-passif successoral.
En renonçant, l’héritier ne reçoit rien et ne paie rien.
En conséquence, cette décision – d’accepter, d’accepter sous bénéfice d’inventaire ou de renoncer – ne doit pas être prise à la légère, compte tenu des impacts financiers qu’elle entraîne.
Quel impact d’un RCD sur une succession?
Après son rendez-vous chez le notaire, Jacques décide de contacter son médiateur de dettes. En effet, il bénéficie de la procédure en règlement collectif de dettes (RCD) depuis trois ans.
Jacques est tenu de respecter certaines obligations dans le cadre du RCD, à savoir signaler à son médiateur tout changement dans sa situation patrimoniale[5]. Il a donc bien agi en prévenant son médiateur de dettes du décès de son papa, et ce avant d’avoir pris position dans le cadre de la succession. Cette décision doit en effet faire l’objet d’une autorisation préalable du tribunal du travail.
L’article 1675/7, § 3 du Code judiciaire stipule bien que la décision d’admissibilité entraîne l’interdiction pour le médié d’accomplir tout acte étranger à la gestion normale du patrimoine. Or, accepter ou renoncer à une succession sort de la gestion normale du patrimoine. Le médié, en prenant seul la décision, risquerait d’aggraver son insolvabilité, ce qui pourrait entraîner aussi une demande en révocation par le médiateur ou par un créancier. Le médiateur doit pouvoir éclairer le tribunal sur l’état de la succession: existe-t-il un immeuble? des avoirs bancaires? des dettes? quelle part revient au médié?
À la demande du médiateur, le médié est donc invité à se renseigner sur la composition de la succession, soit auprès d’un notaire, ce qui engendre un certain coût, soit directement auprès des banques, du SPF Finances, des divers créanciers… Si le médié reçoit des factures au nom du défunt, il est utile de les communiquer au médiateur pour justifier l’existence de dettes.
Jacques, n’ayant plus de contact avec son père les dernières années avant son décès, ne connaît pas la situation patrimoniale du défunt. Il charge dès lors le notaire d’établir un relevé actif-passif de la situation patrimoniale qui pourra être présenté au tribunal. Pendant ce temps, le médiateur conseille à Jacques d’éviter tout comportement qui pourrait être interprété comme une acceptation tacite de la succession.
Afin d’établir le relevé, le notaire va écrire au Bureau de sécurité juridique (anciennement Bureau des hypothèques ou de l’enregistrement), consulter le cadastre afin d’obtenir un relevé des biens immeubles[6]et consulter le Point de contact central des comptes et contrats financiers (PCC). Il estime ensuite les immeubles, s’il y en a, et écrit aux différentes banques reprises au PCC. Il demande également à Jacques de lui transmettre toute information dont il disposerait quant à d’éventuels créanciers de son papa afin qu’il les contacte.
En cas de succession bénéficiaire
Bonne nouvelle pour Jacques! Au vu du relevé établi par le notaire, la succession semble largement bénéficiaire et une acceptation pure et simple peut être envisagée. Cela permettra d’éviter les frais liés à l’inventaire.
Le médiateur dépose une requête en autorisation d’acceptation pure et simple au tribunal et joint le relevé afin que le magistrat ait une vision claire du patrimoine du défunt. De son côté, le notaire rédige la déclaration de succession. Ce document fiscal doit être déposé au Bureau de sécurité juridique dans les quatre mois suivant le décès et détaille l’ensemble du patrimoine du défunt au jour de son décès.
Le paiement des droits de succession doit se faire dans les six mois du décès. Le délai est fixe. Il ne tient pas compte de la date d’acceptation de la succession. Si ce délai de six mois est dépassé, les droits de succession seront majorés d’office d’un intérêt (7% l’an d’intérêt de retard).
Le notaire, pour permettre le déblocage des avoirs bancaires de la succession, va établir un acte d’hérédité mobilier (et un acte d’hérédité immobilier, si nécessaire). Il rappelle à Jacques que tout montant devant lui revenir doit obligatoirement être versé sur le compte de la médiation.
Lors de l’établissement de cet acte, le notaire effectue diverses recherches fiscales et sociales au nom de Jacques et reçoit les créances du SPF Finances pour celui-ci. Compte tenu de la procédure en RCD, le médiateur demande au notaire de ne pas effectuer de paiement à l’égard du SPF Finances, mais de demander une mainlevée, afin de respecter le concours entre les créanciers.
Une autre possibilité serait pour Jacques de demander au Bureau de sécurité juridique un certificat d’hérédité, permettant également le déblocage des comptes. Celui-ci est délivré gratuitement. Un acte d’hérédité immobilier peut également être demandé. Il sera établi gratuitement endéans les six mois qui suivent le décès. Néanmoins, certains bureaux refusent de rédiger ces documents lorsqu’un des héritiers est en RCD, estimant de façon erronée que la personne est incapable.
En cas de vente de la maison
Jacques envisage la vente de la maison de son papa. Il est rapidement contacté par une agence immobilière qui lui demande de signer un contrat de mise en vente sans tarder.
Le médiateur interpellé par Jacques lui rappelle qu’une autorisation du tribunal du travail préalable à la mise en vente est indispensable. La requête doit également mentionner l’intervention de l’agence immobilière. Afin que les frais de négociation soient privilégiés, il est important qu’ils soient indiqués tant dans la requête que dans l’ordonnance d’autorisation rendue par le tribunal.
Une fois autorisé, Jacques signe la convention et l’agence trouve rapidement un amateur. Le compromis établi par l’agence est vérifié par le notaire de Jacques qui fait insérer une condition suspensive d’obtention de l’autorisation du tribunal du travail. En effet, Jacques ne pourra signer l’acte de vente sans avoir celle-ci.
Pour ce faire, le médiateur dépose une requête d’autorisation de vente à laquelle il joint les documents fournis par le notaire, à savoir: le compromis ou le projet d’acte de vente, la matrice cadastrale, un certificat hypothécaire actualisé, un extrait du registre des gages ainsi qu’un rapport estimatif du bien et l’éventuel accord du créancier hypothécaire sur le prix de vente.
Le jour de l’acte, Jacques doit se rendre chez le notaire afin de signer. Il ne peut demander à son médiateur de le faire à sa place. L’acte contient un ordre allégé tel que visé à l’alinéa 2 de l’article 1639 du Code judiciaire. Cela va permettre de réduire les frais par rapport à un ordre par acte séparé. Le notaire va donc payer au moyen du prix de vente les créanciers hypothécaires et privilégiés spéciaux et, le cas échéant, les créanciers enregistrés au Registre des gages. Cela revient à payer, dans l’ordre, les frais de justice[7], les primes d’assurance-incendie[8], les privilèges spéciaux sur immeubles, les privilèges spéciaux sur meubles (pour autant qu’ils portent sur des immeubles par destination auxquels s’étendrait l’hypothèque) et les créances hypothécaires. Le solde sera ensuite versé au médiateur qui se chargera de la répartition conformément au plan homologué.
L’immeuble vendu étant issu d’une succession, il y a lieu d’être particulièrement vigilant. En effet, le Bureau de sécurité juridique peut prendre une hypothèque légale dans les 18 mois qui suivent le décès afin de garantir le paiement des droits de succession dus par Jacques. Cette hypothèque est occulte et prend effet à la date du décès. Le notaire doit donc prendre contact avec le Bureau de sécurité juridique afin de vérifier que les droits de succession ont été payés, ou à défaut payer les droits de succession avec le prix de vente.
Si le prix de vente dépasse le prix indiqué dans la déclaration de succession et que la vente intervient deux ans et quatre mois après le décès (ou deux ans après le dépôt de la déclaration s’il est intervenu après le délai de quatre mois), Jacques sera redevable de droits de succession complémentaires sur la différence de valeur.
Et si la succession avait été déficitaire?
Le médiateur dépose une requête en autorisation auprès du tribunal du travail afin de renoncer à la succession. Il joint à cette requête le relevé indiquant clairement que les dettes de la succession dépassent l’actif. Une fois l’autorisation obtenue, Jacques devra signer un acte de renonciation chez le notaire.
Jacques a des enfants: quel est l’impact de sa renonciation pour eux?
En vertu du mécanisme de substitution, en cas de renonciation de Jacques, ce sont ses enfants qui hériteront directement de leur grand-père. La succession étant catastrophique, ils devront également renoncer chez le notaire. L’un des enfants de Jacques est mineur. Pour cet enfant, il devra, avec sa compagne, obtenir préalablement l’autorisation du juge de paix pour renoncer à la succession. Ils veilleront à joindre à la requête le relevé de la succession établi par le notaire.
Certaines dettes resteront malgré tout à charge de Jacques.
C’est le cas des frais de dernière maladie (hôpitaux…) imputables à titre d’obligation alimentaire, mais également des frais funéraires commandés par lui si la succession n’est pas suffisante pour les apurer. Jacques étant fils unique, il a seul organisé les funérailles. En signant seul le bon de commande qui lui a été présenté par la société des pompes funèbres, il s’est engagé au paiement de la facture, et ce même en cas de renonciation à la succession.
Il aurait été judicieux qu’il fasse le point avec le médiateur au préalable. Cette nouvelle dette contractée à l’insu du médiateur va en effet à l’encontre des obligations qui lui sont imposées par la procédure en RCD[9].
Quid si Jacques avait omis de parler de son RCD au notaire?
Le notaire interroge toujours l’héritier quant à son statut: admis ou non au bénéfice de la procédure en RCD. Néanmoins, il n’effectue de vérification au Fichier central des avis de saisie que lors de la préparation d’un acte, c’est-à-dire dans le cadre d’une succession, lors de l’établissement de l’acte d’hérédité ou lors de la vente d’un immeuble.
Jacques risque donc d’avoir déjà posé des «actes d’héritiers» pouvant constituer une acceptation tacite de la succession sans autorisation préalable du tribunal, avec les conséquences précitées. Il est donc important que le médié soit attentif à cette réalité et donc directement transparent à l’égard du notaire quant à sa situation.
Quel impact du solde du prix de vente sur le compte de la médiation?
À la suite de la vente de l’immeuble et de la liquidation de la succession, le médiateur dispose d’un nouvel actif important et va pouvoir proposer un nouveau plan, voire dans le meilleur des cas envisager un remboursement anticipé et intégral des créanciers ainsi qu’une clôture du RCD de Jacques.
Quid du RCD de Jacques, si la procédure était clôturée lors du décès de son papa?
Si Jacques avait bénéficié d’une remise totale de ses dettes, celle-ci ne serait acquise qu’après cinq années suivant la clôture sauf retour à meilleure fortune[10].
Le retour à meilleure fortune n’a pas de définition légale. Selon les travaux préparatoires, il est caractérisé par un changement important de la situation patrimoniale[11]. La jurisprudence[12] considère qu’une succession peut constituer un retour à meilleure fortune quand la somme héritée permet à la fois d’apurer intégralement le passif et de dégager un disponible important au bénéfice du médié.
Médiateur et créanciers ne pourront donc pas systématiquement faire rouvrir les débats.
Conclusion
La gestion d’un héritage n’est pas une mince affaire, surtout si l’héritier est en RCD. Il s’agit d’un processus délicat qui nécessite une attention particulière et une bonne compréhension des implications juridiques et financières. Les décisions que prendront les héritiers, qu’il s’agisse d’accepter la succession, de l’accepter sous bénéfice d’inventaire ou d’y renoncer, peuvent entraîner des conséquences durables sur leur propre situation patrimoniale.
Il est donc crucial pour les professionnels du surendettement, comme les médiateurs, d’accompagner leurs médiés tout au long de ce processus. En les aidant à comprendre leurs droits et options et en les orientant vers un notaire lorsque cela est nécessaire, afin d’éviter des erreurs coûteuses.
Un suivi rigoureux et une communication ouverte entre l’héritier et son médiateur contribueront à une gestion efficace de la succession, minimisant ainsi les risques financiers. Une prise de décision éclairée peut transformer une situation potentiellement complexe en une opportunité de rétablissement financier.
Alors que Jacques continue de faire son deuil, il peut désormais se projeter vers de nouveaux horizons, tout en gardant en mémoire les précieux souvenirs de son père. En effet, en acceptant la succession, un apurement complet de ses dettes a pu être réalisé. Sa procédure de RCD a été clôturée, avec le versement d’un reliquat confortable en sa faveur.
Priscila Donnay et Aurélie Jourdain, juristes chez Medenam
[1] Article 4.10 du Code civil.
[2] Articles 4.41 à 4.43 du Code civil.
[3] Articles 4.49 à 4.52 du Code civil.
[4] Articles 4.44 à 4.48 du Code civil.
[5] L’article 1675/14, § 1er du Code judiciaire stipule que «le médiateur de dettes est chargé de suivre et de contrôler l’exécution des mesures prévues dans le plan de règlement amiable ou judiciaire. Le débiteur communique sans délai au médiateur de dettes tout changement intervenu dans sa situation patrimoniale après l’introduction de la requête visée à l’article 1675/4».
[6] Jacques pourrait obtenir lui-même un extrait de la matrice cadastrale en faisant la demande via https://www.minfin.fgov.be.
[7] Article 17 de la loi hypothécaire.
[8] Avec un maximum de deux primes annuelles, selon l’article 114 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances et article 27, 7° in fine de la loi hypothécaire.
[9] Article 1675/7, § 3 du Code judiciaire.
[10] Article 1675/13bis, § 4 du Code judiciaire.
[11] Doc. Parl., Ch., session 1997-1998, n°1073/11, p. 75-76.
[12] C. trav., Liège, div. Liège, 5e ch., 15 janvier 2019 (RG 2018/AL/667); C. trav., Liège, div. Liège (5e ch.), 28 février 2023 (RG 2022/AL/247); trib. trav. Liège, div. Verviers (3e ch.), 21 avril 2023 (RG 15/244/B), disponibles sur Juriobs.