Cour constitutionnelle, 20/12/2012 (n° 162/2012)

Le législateur pouvait limiter l’interdiction d’une remise en principal pour des indemnités réparant un préjudice corporel aux indemnités mises à charge de l’auteur d’une infraction ou d’un fait qualifié infraction par un juge pénal ou de la jeunesse.

Le législateur n’a pas subordonné l’admissibilité de la requête à la condition que les dettes n’aient pas pour origine une faute volontaire ou une faute lourde. Cette préoccupation se retrouve par contre à l’article 1675/13, §3, deuxième tiret, qui exclut du RCD celles qui sont constituées d’indemnités accordées pour la réparation d’un préjudice corporel causé par une infraction, cette exclusion étant justifiée par la considération que la remise de ces dettes serait particulièrement inéquitable (Doc. Parl., Sénat, 1997-1998, n° 1-929/5, p. 46).

Le texte initial du projet qui allait devenir la loi du 5 juillet 1998, insérant l’article 1675/13 dans le Code judiciaire, disposait que le juge ne peut accorder de remise de dettes « pour des dettes constituées d’indemnités accordées pour la réparation d’un préjudice corporel, causé par un acte illicite ». Les mots « acte illicite» ont été remplacés par le terme « infraction » à la suite d’un amendement motivé par le souci d’apporter « une correction légistique au §3 », parce que le terme « infraction » est une notion pénale bien précise. En outre, en ce qui concerne le fond, la notion civile d’« acte illicite » est beaucoup plus large que la notion pénale d’« infraction » qui est proposée (Doc. Parl., Chambre, 1996-1997, n° 1073/11, p.83-84).

Il ressort des travaux préparatoires précités que le législateur a préféré le terme « infraction » à ceux d’« acte illicite » pour limiter l’exclusion prévue par la disposition en cause aux seules dettes nées d’une infraction pénale. En raison de cet objectif, et en tenant compte de ce que le juge qui connaît du RCD n’est pas compétent pour statuer en matière pénale, il n’est pas incompatible avec le principe d’égalité et de non discrimination d’interpréter (l’article 1675/13, §3, deuxième tiret du Code judiciaire) comme ne s’appliquant que lorsque l’indemnisation d’un préjudice corporel est due à la suite d’une condamnation pénale. Tel n’est donc pas le cas lorsque la dette découle de la responsabilité civile des père et mère du fait de leur enfant mineur.

Il est vrai qu’en n’autorisant pas la remise de dettes constituées d’indemnités accordées pour la réparation d’un préjudice corporel causé par l’auteur d’une infraction ou d’un fait qualifié d’infraction déclarés établis par une juridiction pénale ou de la jeunesse, le législateur traite différemment les victimes selon que le préjudice qu’elles subissent découle d’une décision du juge pénal ou de la jeunesse à l’égard de l’auteur de l’infraction ou du fait qualifié infraction ou d’une décision constatant la responsabilité civile de la personne civilement responsable de cet auteur, sur la base de l’article 1384 du Code civil.

Cette différence de traitement repose toutefois sur un critère pertinent au regard du but poursuivi par le législateur tel qu’il a été précisé ci-dessus. En outre, elle n’a pas d’effets disproportionnés. En effet, aux termes de l’article 1675/13, §1er, alinéa 1er, du Code judiciaire, c’est au tribunal du travail qu’il appartient de « décider » s’il y a lieu de remettre la dette. Si l’article 1675/13, §3 lui interdit d’accorder la remise de la dette de l’auteur d’une infraction ou d’un fait qualifié infraction constatés par le juge pénal ou de la jeunesse, il ne l’oblige pas à l’accorder lorsque la dette découle de l’article 1384 du Code civil puisqu’il dispose, dans ce cas, d’un pouvoir de décision. »