C.T. Mons (10ème ch.), 20 juin 2012, RG n° 2012/AM/44

Les aliments échus postérieurement à la décision d’admissibilité constituent-ils bien une dette de la masse ? Le fait pour le requérant de ne pas respecter ses obligations alimentaires durant la procédure de règlement collectif amène-t-il nécessairement le juge à rejeter sa demande au cours de la phase judiciaire ?

1.« Plusieurs dispositions relatives au règlement collectif de dettes règlent expressément le sort à réserver aux créances alimentaires.

Ainsi, l’article 1675/7, §3, du Code judiciaire dispose que la décision d’admissibilité entraîne l’interdiction pour le requérant, sauf autorisation du juge, d’accomplir tout acte susceptible de favoriser un créancier, sauf le paiement d’une dette alimentaire mais à l’exception des arriérés de celle-ci. En réalité, pour les dettes alimentaires, la loi prive le débiteur et le médiateur de toute possibilité de choix : le législateur interdit de faire entrer dans la masse les aliments dus pour la période postérieure à l’ordonnance d’admissibilité.

L’exécution des obligations pour le futur est ici rendue obligatoire au terme d’une balance des intérêts en présence où le législateur fait passer le créancier d’aliments avant la protection du débiteur surendetté1. Il s’en déduit que le créancier alimentaire est un créancier dans la masse pour les arriérés échus avant la décision d’admissibilité et est un créancier hors masse pour les aliments dus à partir de cette date. Cela signifie que les pensions alimentaires échues avant la décision d’admissibilité ne pourront être payées que dans le cadre d’un plan de règlement amiable ou judiciaire ; elles ne bénéficient d’aucun privilège.

Par ailleurs, l’article 1675/13, §3 du Code judiciaire prévoit que le juge ne peut accorder de remise pour les dettes alimentaires non échues au jour de la décision arrêtant le plan de règlement judiciaire. Ce texte, lu conjointement avec l’article 1675/7, §3 du Code judiciaire, laisse planer une certaine ambiguïté concernant les dettes alimentaires nées durant la période comprise entre la décision d’admissibilité et le jour de la décision arrêtant le plan de règlement judiciaire. En effet, si, aux termes de l’article 1675/13, §3, une remise de dettes est possible, elle serait contraire au texte de l’article 1675/7, §3, qui prévoit le paiement des pensions alimentaires venant à échéance à compter de la décision d’admissibilité.

Dans cette hypothèse, la doctrine considère assez généralement que les sommes dues au titre d’aliments doivent être intégrées dans les charges communes (les dettes hors masse) et que le plan ne portera que sur les arriérés impayés à la date du jugement d’admissibilité2. La Cour se rallie à cette position.

En conclusion, la Cour estime que :

  • les pensions alimentaires échues avant la décision d’admissibilité peuvent faire l’objet d’une remise de dettes,
  • les pensions alimentaires échues entre la décision d’admissibilité et la décision arrêtant le plan ne peuvent pas faire l’objet d’une remise de dettes (voyez : C.T. Mons, 21/02/2012, RG n° 2011/AM/430, inédit).»

2. Le dépôt d’un procès-verbal de carence ne doit pas nécessairement déboucher sur le rejet de la demande de règlement collectif de dettes lorsque le requérant s’est abstenu de verser sa contribution alimentaire au profit de son enfant, même si la moitié de son endettement est constituée d’arriérés de parts contributives, et ne semble pas rechercher activement un emploi, étant chômeur depuis près de trois ans. En effet, on ne peut lui reprocher « d’avoir augmenté fautivement son passif et de n’avoir entrepris aucune démarche en vue de réduire sa part contributive alors qu’il est acquis que, seul pour gérer sa situation de surendetté et fragilisé par un état de santé précaire, il n’a pu disposer de conseils avisés pour assurer la défense légitime de ses droits (…) ».

En outre, la créancière, son ex-épouse, « n’a pas estimé utile d’être présente ou de se faire représenter à l’audience prévue pour débattre des suites à réserver au procès-verbal de carence déposé par le médiateur et n’a pas davantage entrepris la moindre démarche pour être rétablie dans l’intégralité de ses droits de créancière d’aliments à percevoir la totalité des contributions alimentaires en raison du super privilègeˮ lui octroyé par l’article 1412 du Code judiciaire (…) ». Si elle « avait entendu s’insurger face aux manquements (du requérant) après l’ordonnance d’admissibilité, le médiateur de dettes aurait immédiatement réagi en rappelant à ce dernier l’étendue de ses obligations, ce qui aurait évité la constitution d’un arriéré de contributions alimentaires post-admissibilité arrêté à la somme de 3 900 euros ».

« La faute (du requérant) est, dès lors, toute relative et ce, d’autant qu’ (il) s’est racheté en réglant régulièrement à partir de mars 2012 sa contribution alimentaire. »

Les Echos du Crédit

Télécharger le pdf (C.T. Mons (10ème ch.), 20 juin 2012, RG n° 2012/AM/44)

1 F. de PATOUL, « Le règlement collectif de dettes – Chronique (1er janvier 1999 – 30 juin2004 », Droit Bancaire et Financier, 2004/VI, p. 357
2 D. PATART, « Le règlement collectif de dettes », Larcier, 2008, p. 249 ; E. VIEUJEAN,« Aliments et surendettement », p. 83.