Une révocation n’est pas la damnation éternelle!
Mme X exploitait une bijouterie. La rentabilité de ce commerce baissant, le 17 mars 1999, Mme X a contracté une ouverture de crédit à concurrence de 131 250 euros, garantie par une hypothèque sur un immeuble appartenant à sa tante et une autre hypothèque sur un immeuble appartenant à ses parents. En outre, ceux-ci et son époux, M. Y, se sont engagés comme codébiteurs solidaires. L’immeuble de la tante a été vendu. La bijouterie a fermé ses portes, le bail commercial ayant été résilié.
Le 8 septembre 1999, Mme X et M. Y ont été admis au règlement collectif. Les parents de Mme X occupant leur immeuble avec la tante de celle-ci et tous les trois étant âgés, il est décidé de ne pas vendre cet immeuble.
Le père de Mme X décède entre-temps. Le 25 avril 2001, la mère de Mme X, résidant quelque temps avec sa fille et son gendre puis en maison de retraite, est admise au règlement collectif, ne pouvant assumer ses obligations comme codébitrice.
Le 14 juin 2007, le RCD concernant Mme X et M. Y est révoqué car ils ont perçu des revenus et un don sans les affecter au règlement collectif et ont contracté de nouvelles dettes. Les époux X et Y mettent en œuvre une médiation de dettes non judiciaire.
Mais le prêteur hypothécaire fait saisir la partie saisissable des revenus de M. Y.
En outre, à sa demande, le 20 avril 2009, la liquidation-partage de l’immeuble parental est ordonnée et un notaire est désigné pour vendre la part de Mme X, nue-propriétaire de la moitié de cet immeuble.
Cependant, la mère de Mme X, toujours en règlement collectif, est placée sous administration provisoire. Son médiateur souhaite que l’immeuble soit vendu de gré à gré. La meilleure offre est reçue le 15 mai 2012 mais le créancier hypothécaire n’a pas marqué son accord sur cette vente. Le 27 août 2012, l’administrateur provisoire obtient du juge de paix l’autorisation de vendre l’immeuble au prix offert. Le 8 novembre 2012, le médiateur sollicite à son tour l’autorisation de vendre au juge du règlement collectif qui la lui accorde et désigne un nouveau notaire le 7 mai 2013. Le 1er juillet 2013, l’administrateur provisoire contresigne le mandat de vente donné à ce notaire par la mère de Mme X. Sur ces entrefaites, les amateurs se sont désistés…
Le 19 février 2013, vu l’accroissement de leur endettement, Mme X et M. Y demandent à nouveau le bénéfice du règlement collectif. Celui-ci leur est refusé le 29 mars 2013. Les requérants forment appel.
Contrairement à ce que le tribunal du travail a décidé, la cour du travail considère que le passif est le double de la valeur de leurs biens et droits immobiliers et que, dès lors, le caractère structurel de leur surendettement est bien démontré.
De surcroît, suivant la cour, aucune mauvaise foi procédurale ne peut leur être reprochée. « Les manquements sérieux, retenus à juste titre en raison de leur gravité par le jugement de révocation de la précédente admission à la procédure, ne pourraient justifier le rejet de la présente demande que s’il était établi que les requérants avaient persisté dans leurs errements. » Tel n’est pas le cas en l’espèce : les requérants ont bien tenté d’apurer le passif subsistant après la révocation ainsi que leurs nouvelles dettes alors que leurs revenus étaient amputés du fait d’une saisie; par ailleurs, ils ne sont pas responsables des aléas qu’a connus la mise en vente de l’immeuble parental. Aucun élément ne prouve que leur intention est uniquement d’échapper à des mesures d’exécution et d’obtenir une large remise de dettes.
Rien ne prouve non plus qu’ils ont organisé leur insolvabilité. L’origine de leur surendettement n’a pas d’incidence à cet égard. En effet, le tribunal du travail s’appuyait sur un extrait des travaux préparatoires de la loi du 5 juillet 1998, évoqués par un arrêt du 20 décembre 2012 de la Cour constitutionnelle, suivant lesquels le juge devrait vérifier si le surendettement ne résulte pas d’une faute volontaire ou à ce point lourde qu’elle serait inadmissible (voyez T.T. Huy [6e ch.], 12/9/2013, supra). Mais, dans le même arrêt, la Cour constitutionnelle rappelait que cette préoccupation n’a pas été exprimée par le texte légal de telle sorte que, ce faisant, le juge ajouterait une condition d’admissibilité que ce texte ne contient pas. En l’espèce, « la circonstance que l’endettement trouve sa cause dans une lourde erreur d’appréciation qui a conduit (la requérante) à contracter un important emprunt en vue de refinancer une activité commerciale dont la viabilité était rien moins qu’assurée ne peut faire préjuger de sa mauvaise foi procédurale ».
Les Échos du crédit
Télécharger le pdf (C.T. Liège (10e ch.), 17 septembre 2013, RG n°2013/BL/16)